Harcèlement scolaire et enfants dys : comment repérer, comprendre et agir pour les protéger
Le harcèlement scolaire est aujourd’hui une problématique majeure dans les établissements, et les chiffres montrent qu’il affecte un nombre croissant d’enfants. Parmi les victimes, les élèves présentant des troubles « dys » — dyslexie, dyspraxie, dysphasie, dyscalculie, TDAH ou autres troubles du neurodéveloppement — sont particulièrement exposés. Leur différence, souvent mal interprétée ou incomprise par leurs pairs, devient malheureusement un motif fréquent de moqueries, d’exclusion ou de violences répétées. Pour mieux protéger ces enfants vulnérables, il est essentiel de savoir identifier les mécanismes du harcèlement, comprendre les signaux d’alerte et mettre en place des actions adaptées dès qu’un doute apparaît.
Pourquoi les enfants dys sont plus souvent victimes de harcèlement ?
Même si le harcèlement scolaire concerne environ 5 % des élèves, les études montrent que près de 60 % des victimes présentent un trouble du neurodéveloppement. Cette surexposition n’est pas due au hasard : elle est directement liée aux difficultés que les enfants dys rencontrent au quotidien, que ce soit dans leurs apprentissages, dans leurs interactions sociales ou dans la gestion de leurs émotions.
Les enfants dys peuvent être perçus comme différents parce qu’ils apprennent autrement, qu’ils ont un temps de réaction plus long, une écriture moins lisible, une prononciation particulière, une motricité maladroite ou des difficultés d’organisation. Ces particularités attirent l’attention et, au sein d’un groupe scolaire, la différence devient rapidement un prétexte pour stigmatiser, isoler ou dégrader l’enfant. La fatigabilité, l’hypersensibilité émotionnelle et la baisse de confiance en soi, souvent déjà présentes, renforcent encore le risque de devenir une cible.
Repérer le harcèlement scolaire chez un enfant dys : signes, comportements et indices
Les conflits entre élèves font partie du quotidien. Mais lorsque la violence est répétée, lorsqu’un rapport de force s’installe et qu’un enfant est isolé malgré ses tentatives de s’intégrer, on ne parle plus de simples chamailleries : il s’agit d’un véritable harcèlement.
Définition du harcèlement : ce qui doit alerter
Selon le psychologue spécialiste Dan Olweus, le harcèlement se caractérise par des actes négatifs répétés, qu’ils soient physiques (coups, bousculades, gestes humiliants), verbaux (insultes, menaces, moqueries) ou non verbaux (regards méprisants, grimaces, rejet). Trois critères doivent attirer l’attention :
- La répétition des agressions, qui s’inscrivent dans la durée.
- Le déséquilibre de pouvoir, qui empêche la victime de se défendre.
- L’isolement de l’enfant, ciblé parce qu’il semble plus vulnérable que les autres.
À cela s’ajoute aujourd’hui une forme moderne et redoutablement destructrice : le cyberharcèlement, qui prolonge les agressions dans l’espace numérique et ne laisse aucune pause à la victime.
Les formes courantes de discrimination envers les enfants dys
Les intimidations s’appuient très souvent sur une différence réelle ou supposée. Dans le cas des enfants dys, les prétextes sont malheureusement nombreux : une dyslexie qui ralentit la lecture, une dyspraxie qui rend les gestes maladroits, une dysphasie qui affecte la prononciation, un TDAH qui entraîne impulsivité ou agitation… Tout peut devenir matière à moquerie.
Les atteintes observées incluent généralement :
- des insultes, sobriquets dévalorisants, moqueries répétées ;
- la diffusion de rumeurs ou de propos humiliants ;
- des gestes déplacés, des bousculades ou des violences physiques ;
- du racket, des vols ou des dégradations d’affaires personnelles ;
- l’exclusion volontaire d’activités ou de groupes.
Le cyberharcèlement, quant à lui, prend la forme de détournements de photos, d’usurpation de comptes, de diffusion de messages humiliants ou de conversations ciblées dans des groupes privés.
Le système du harcèlement : un phénomène de groupe
Contrairement à une idée reçue, le harceleur n’est pas toujours un enfant « violent » ou « difficile ». Le harcèlement repose sur une dynamique de groupe où l’on retrouve généralement un instigateur, des suiveurs qui rient, encouragent ou relaient les attaques, ainsi que des témoins passifs qui n’osent pas intervenir. Certains élèves défendent la victime, mais ils restent minoritaires.
Cette organisation complexe explique pourquoi la gestion du harcèlement est difficile : chaque acteur joue un rôle, parfois sans en avoir conscience. Un enfant qui répète un surnom entendue dans la cour peut, sans le vouloir, amplifier les violences. C’est pour cela qu’un travail éducatif global est indispensable.
Conséquences psychologiques : anxiété, stress intense et perte d’estime de soi
Sous la pression des intimidations quotidiennes, l’enfant développe progressivement un stress massif. Il peut présenter :
- des troubles du sommeil,
- des maux de tête,
- des nausées,
- une irritabilité marquée,
- un retrait progressif des activités qu’il aimait.
Lorsque cette situation perdure, le risque de dépression augmente fortement. L’enfant perd goût à ses loisirs, s’éteint, se replie sur lui-même et peut même développer des pensées auto-dévalorisantes.
Conséquences scolaires : baisse des résultats, décrochage et phobie scolaire
Les agressions répétées empêchent l’enfant de se concentrer en classe. Beaucoup finissent par craindre l’école, inventent des excuses physiques pour rester chez eux ou refusent totalement d’y aller. Les absences s’accumulent, les résultats chutent et un cercle vicieux s’installe. Pourtant, beaucoup d’adultes attribuent ces difficultés au trouble dys, sans imaginer que le harcèlement en est la cause cachée.
Conséquences sociales : isolement, dépendance ou reproduction de la violence
Le harcèlement altère profondément la relation à l’autre. Certains enfants s’isolent totalement, incapables de faire confiance. D’autres acceptent la domination dans l’espoir d’être intégrés. Certains finissent même par reproduire la violence sur un plus petit ou un camarade vulnérable, comme un moyen d’exister.
Dans les situations les plus graves, la détresse peut devenir telle que l’enfant met sa sécurité en danger. D’où l’importance d’une intervention rapide et coordonnée.
Comment prévenir et agir face au harcèlement des enfants dys ?
Prendre les signaux au sérieux, même s’ils semblent mineurs
Il est essentiel de ne jamais minimiser les propos d’un enfant. Les phrases « ignore-les » ou « ce n’est pas grave » banalisent la violence et enferment l’enfant dans le silence. Le moindre changement d’attitude doit alerter : tristesse, irritabilité, objets abîmés, isolement, refus d’aller à l’école.
Protéger les enfants dys : un engagement collectif indispensable
Le harcèlement scolaire n’est pas un fait anodin ni un rite de passage. C’est une violence profonde, qui fragilise durablement les enfants, particulièrement ceux porteurs de troubles dys. Les protéger nécessite une mobilisation collective : parents, enseignants, éducateurs, psychologues et élèves doivent agir ensemble.
Comprendre les mécanismes du harcèlement, reconnaître les signaux d’alerte et intervenir dès les premiers signes permet non seulement de protéger la victime, mais aussi de prévenir l’escalade de la violence au sein de la communauté scolaire. Les enfants dys, parce qu’ils sont plus vulnérables, doivent bénéficier d’une vigilance renforcée et d’un accompagnement adapté pour évoluer dans un environnement où leurs différences sont valorisées, et non plus stigmatisées.












































